La guerre d'indépendance américaine : une participation peu convaincante (1779-1783)
Le navire souffre des mêmes défauts de construction que tous les vaisseaux espagnols de l'époque. Construit à La Havaneen bois de cèdre et d'acajou, il est très solide mais aussi très lourd, et de ce fait est peu manœuvrant, d'autant qu'il n'est pas doublé de cuivre, contrairement aux vaisseaux anglais et français (à partir de 1775) et que son gréement est de mauvaise qualité.
Son abondante artillerie ne fait guère illusion non plus, car les canons espagnols sont d'un calibre plus faible que ceux des marines française et anglaise. De plus, nombre d'entre eux sont de facture médiocre et s'enrayent au bout de quelques dizaines de coups. L'ambassadeur de France à Madrid, M. de Montmorin, bon observateur militaire, note aussi le manque d'entraînement des matelots et des officiers, alors que la corruption règne dans les arsenaux espagnols.
Une situation que l'on trouve par ailleurs sur tous les vaisseaux espagnols et dont sont parfaitement conscients les adversaires anglais, mais aussi les alliés français, sans illusions sur les qualités militaires réelles de ce navire très haut sur l'eau, couvert de dorures et statues de bois comme on le faisait au xviie siècle, mais qui sont totalement anachroniques dans les années 1760-1780. Une « citadelle flottante », selon Jean-Christian Petitfils, mais qui est à l'image de l'Espagne de cette période, pays qui cherche à retrouver le rang mondial qu'il avait jusqu'au xviie siècle, mais sans en avoir vraiment les moyens, derrière la puissance affichée de ses vaisseaux couverts de dorures et de bouches à feux. L'abbé de Véri, lui aussi bon observateur militaire, note en 1776 que « le roi d'Espagne, fier d'une marine qu'il croit superbe par l'apparence de ses vaisseaux, fait des efforts continus pour l'engager. Il ignore (...) que ces carcasses de vaisseaux, plus belles que partout ailleurs, ne sont servies que par des hommes peu capables et en trop petit nombre. »
Une faible efficacité militaire que la participation à la guerre d'indépendance américaine, comme navire amiral, ne fait que confirmer. Le gros vaisseau, aux ordres de l'orgueilleux et hiératique don Luis de Córdova y Córdova (76 ans), se traîne dans l'Atlantique lors de la concentration navale franco-espagnole de 1779. Les Français passent des semaines au large de Brest à attendre l'arrivée de l'escadre espagnole et de son vaisseau amiral, retard largement responsable de l'échec de cette campagne qui avait normalement pour but de débarquer en Angleterre.
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